dimanche 8 mars 2015

Comme un manque au creux de mon ventre...

Mon bébé, mon enfant, ma vie. 
Mon enfant c'est ma raison d'être. Une raison qui fait que la vie devient tout de suite palpitante et excitante. La naissance d'un enfant c'est ce brin de folie dont nous avons besoin pour vivre une vie démesurément heureuse et poignante. C'est un amour qui a dépassé toutes mes espérances.

Mais un enfant, c'est aussi l'ingratitude qui pourra faire basculer sa mère, et ses parents, dans la peine et le manque.
Je pense, là tout de suite, à la chanson de Julien Clerc "Cœur de rocker"  avec ce jeune homme qui veut quitter le domicile familial et qui risque de "faire mourir sa mère" ... C'est un peu ça qu'une mère ressent quand son enfant s'éloigne d'elle !


Dès ce jour fatidique où j'ai compris, en lisant un test de grossesse, dans les WC d'un jardin public, tôt le matin, que j'attendais un heureux évènement, ma vie a basculé.
J'ai tout de suite ressenti un certain bien-être m'envahir. Pour tout vous dire, je me suis sentie "remplie". C'est un terme un peu cocasse quand on apprend que nous sommes enceinte. En effet, nous sommes remplies, nous les femmes, d'un petit être qui va grandir et se développer en nous. Mais bien au delà de ce jeu de mot, je me suis sentie remplie, comme si ma vie, comme si mon être prenait tout son sens. Toute sa dimension. Je devenais Maman...et mon corps se remplissait. Mon être prenait de l'ampleur. Ma vie prenait de l'importance. Mon corps prenait de la consistance.

Toute ma grossesse fut formidable. Je sais que certaines femmes vivent des grossesses difficiles, malades, fatiguées, alitées pour certaines...mais pour mon cas (et ça n'est pas pour enjoliver les choses et rendre ma vie plus idyllique), j'ai vécu une grossesse formidable. Mon corps, envahi par celui de mon fils (mon Grain de Riz...comme je l’appelais alors) me rendait plus forte, moins seule, plus épanouie, plus importante.

9 mois de bonheur... A tel point que lorsque j'ai vécu ma "version" -cette manipulation extrêmement douloureuse qui consiste à retourner le bébé dans le ventre de sa maman-  (car Grain de Riz était en siège...je vous en parlais ici), à 8 mois de grossesse, je ne me sentais pas du tout (mais alors pas du tout) prête à laisser Enzo me quitter. A le laisser venir au monde et ainsi se séparer de moi.


Le 17 avril 2008... il est né.
Ce fut la première séparation entre moi et lui, qui m'a fait beaucoup souffrir. Une sorte de baby blues s'est très vite emparé de moi. Dans mon corps, nous ne faisions qu'un, je pouvais le protéger, le câliner, le dorloter. Je prenais soin de moi et donc soin de lui. Enceinte, je lui lisais des histoires, je laissais dormir notre chat tout contre mon ventre pour qu'il s'habitue à son futur environnement, je mangeais équilibré, je caressais mon ventre, je scrutais le moindre de ses mouvements (ondulations du ventre qui me montraient à quel point nous ne faisions qu'un)...et puis quand il est venu au monde, il s'est séparé de moi. Et j'ai commencé à ressentir cette angoisse de la séparation, ce manque dont je vous parlerai plus bas.
Bien sûr, j'étais heureuse, très heureuse, trop heureuse. Mais nous ne faisions plus qu'un, nous étions deux à présent.

Dans les premiers mois de sa vie, je n'arrivais pas à le laisser.Il dormait dans notre chambre dans son berceau. Je craignais qu'il ait froid, qu'il soit malade, qu'il ait faim... Puis il faisait la sieste avec nous (ohhhh sacrilège diront certains...je m'en moque ! ). Nous avons fait la sieste avec lui, nous avons écouté ses battements de cœur, nous avons senti son souffle sur nos visages...nous étions au plus près de lui, mais pour moi, cela ne suffisait pas. J'aurais aimé être cette maman kangourou qui porte son enfant dans sa poche ventrale, cela m'aurait évité de  ressentir ce manque au creux de mon ventre.

Un jour, alors que nous étions en vacances à Port Camargue, avec un autre couple d'amis (Enzo devait avoir 1 an), nos amis nous ont proposé de garder Enzo pendant que nous irions au restaurant, en amoureux, Loulou et moi.
Je savais à quel point c'était important pour mon mari que nous nous retrouvions un peu. Je savais que le petit était en sécurité, non loin de moi...et pourtant, immédiatement après l'avoir laissé, j'ai senti un manque au creux de mon ventre. Comme si j'accouchais une deuxième fois (sans les douleurs), juste ce manque dans mon ventre qui me faisait me sentir mal, triste et comme abandonnée. Il était loin mon petit...je ne l'avais plus contre moi.

Au fur et à mesure de son enfance, nous avons fait en sorte de beaucoup le câliner, de l'étreindre, de le bichonner, parce que nous ressentions vraiment ce besoin d'être tout proche de lui. Surtout moi.
Il a beaucoup (énormément) dormi avec nous. D'abord avec nous, dans notre lit, puis sur un matelas, tout près de nous, parfois nous tenant la main pour s'endormir. Ce contact, ce peau à peau devenait indispensable, pour nous, comme pour lui.
Encore une fois, c'est pas bien ! On nous l'a répété, mais on s'en fout. On avait les uns et les autres besoin de ce contact alors nous avons usé et abusé de ce lien unique. Et puis c'est tellement beau d'être ensemble, de sentir cette petite main chaude s'agripper à nous au moment de se laisser envahir par le sommeil, c'est tellement beau de sentir les petits pieds de son enfant se blottir tout contre nous pour se réchauffer. C'est tellement unique que je ne vois pas pourquoi il faudrait s'en priver. Et ne venez pas me donner les raisons du pourquoi du comment...c'est fait et je ne le regrette pas !


Il y a quelques semaines, je vous parlais de difficultés d'Enzo à aller à l'école, la grande école, sans pleurer. Il hurlait chaque matin, criant un "maman" ou "papa", signe qu'il ne voulait pas se séparer de nous. Il nous avoua même qu'il lui était trop dur d'être sans nous, qu'on lui manquait trop. Il regardait même les heures passer sur l'horloge de l'école, comptant le temps qui le séparaient de nous.

La situation était devenue problématique parce qu'il pleurait beaucoup, parce que l'école était devenue un lieu source d'ennuis...et parce qu'il devait absolument grandir, nous "lâcher" et prendre son envol.

Vos témoignages et commentaires, l'avis d'un médecin et d'orthophonistes que nous connaissons, l'avis de la maîtresse aussi (car nous l'avons vu en rendez-vous...) nous ont permis de nous rendre compte que nous devions laisser Enzo s'envoler de ses propres ailes. Que c'était à nous de ne plus l'étouffer, de le laisser partir avec d'autres personnes, pour qu'il arrive à se détacher de nous, à prendre des libertés et à grandir sans le soutien permanent de ses parents (et de sa maman en particulier).

Que ce fut dur à accepter!!! Moi qui ne vit que pour lui depuis 6 ans. Moi qui pensais bien faire, pour son bien, pour qu'il se sente en sécurité, heureux et épanoui pouvant compter sur ses parents quoiqu'il arrive...

J'ai fait l'effort : de ne plus lui tenir la main pour s'endormir, pour ne plus lui tenir la main à travers le grillage de l'école, j'ai fait l'effort de le laisser dans la cour sans même lui jeter un dernier regard (de peur de me laisser envahir par l'envie de le serrer),  j'ai fait l'effort de le laisser partir plusieurs jours chez ses grands-parents, j'ai fait l'effort de lui laisser des responsabilités, de le laisser se dépatouiller avec ses chaussettes (quand il n'arrive pas à les mettre), bref...j'ai fait l'effort de me lever du milieu pour lui laisser plus d'espace et pour le laisser vivre par lui-même.
Le cordon ombilical était coupé depuis 6 ans déjà...sans que je m'en rende compte ! Sans que je le veuille vraiment.

Aujourd'hui, il est en vacances. Avec ses grands-parents, à 400kms de la maison. Il est au ski...et progresse sans que je puisse être le témoin de ses progrès. Sans pouvoir être la maman aimante (totalement subjective) qui félicite son enfant à chaque descente de piste. Sans pouvoir être la maman qui le câline le soir pour s'endormir.
Il le vit bien...moi pas très bien !

Grâce à nos efforts, il s'est détaché de nous. Ne pleure plus quand nous partons, ne nous appelle plus en pleurs nous suppliant de venir le chercher, nous lâchant la main pour prendre la main de quelqu'un d'autre (Pépé, Tonton, une amie, une cousine...quelqu'un d'autre que nous), préférant la compagnie d'autres personnes que la nôtre...Il grandit, sans nous...
Et moi, ça me fait mal !
Je suis heureuse, bien sûr, de le voir grandir, mais très triste de me détacher de cette vie de maman qui m'allait bien. Le temps passe, il s'éloigne de nous, et nous, nous devons nous reconstruire pour trouver d'autres points d'ancrages, d'autres occupations, d'autres ficelles pour nous tenir droits...Mais je sais qu'en vrai, je ne retrouverai jamais cette frénésie de l'Amour maternel... (même si au fond, je sais que je n'ai pas perdu cet amour maternel, mais il devient moins intense, moins asphyxiant, moins présent).  Et c'est ce même amour qui me fait ressentir ce vide au creux de mon ventre lorsque mon petit s'éloigne de moi. A sa naissance et durant ses premières années j'ai ressenti ce manque au creux de mon ventre, aujourd'hui, c'est mon cœur qui se serre et mon ventre qui se tord de douleur quand je le vois s'éloigner de moi...sans même se retourner.

Le père d'une de mes meilleures amies m'a dit à la naissance d'Enzo : "Avec un enfant, tu vas comprendre ce qu'est l'ingratitude"...

Et aujourd'hui, je comprends le sens de sa phrase, un enfant, que l'on élève, à qui l'on donne tout l'amour qui est en nous, à qui on dévoue notre vie, notre temps et notre vitalité, un enfant à qui nous donnerions un rein ...ne se rend pas compte du dévouement de ses parents, s'éloignera d'eux, et volera de ses propres ailes...laissant ses parents sur le carreau...avec un creux au ventre, signe du manque...
L'ingratitude c'est cet enfant qui néglige ses parents...alors que lui, ne veut que grandir et s'épanouir .

La chanson qui résume le plus beau métier du monde...
mon petit cadeau pour vous !


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